Das Schweizer Fachportal für die Geschichtswissenschaften

Panel: La nature et ses facettes multiples dans l’éducation

Autor / Autorin des Berichts: 
Aurel Dewarrat
aureldewarrat@msn.com


Zitierweise: Dewarrat, Aurel: Panel: La nature et ses facettes multiples dans l’éducation, infoclio.ch-Tagungsberichte, 30.07.2022. Online: <https://www.doi.org/10.13098/infoclio.ch-tb-0269>, Stand: 07.11.2024.

Responsabilité : Giorgia Masoni
Intervenantes et intervenants : Giorgia Masoni, Sylviane Tinembart, Ismaël Zosso-Francolini, Sylvain Wagnon (absent)
Commentaire : Sabine Oppliger

Version PDF du compte rendu

La place de la nature dans l’éducation n’est pas un sujet inédit. Présent depuis l’Antiquité, l’intérêt pour la nature dans les méthodes d’apprentissages et le développement de l’enfant se renforce à la Renaissance et prend un nouvel élan à l’époque des Lumières. L’actualité du sujet pose ainsi la question suivante : la promotion actuelle d’un retour à la nature dans l’éducation est-elle un effet de mode ou une révolution ? Pour y répondre, le panel propose à la fois un regard historique, centré sur le XIXe siècle en Suisse, et un regard contemporain, avec le projet actuel d’introduire l’histoire environnementale dans les écoles primaires du canton de Vaud.

SYLVIANE TINEMBART (Lausanne) et GIORGIA MASONI (Lausanne) se sont intéressées à la place de la nature dans les réflexions pédagogiques et les programmes scolaires du XIXe siècle. En s’appuyant sur des sources prescriptives (loi, règlements, programmes et plans d’études), les manuels scolaires, la presse pédagogique ainsi que les écrits de pédagogues, elles constatent que, depuis la fin du XVIIIe siècle, la nature revêt principalement trois dimensions : la nature comme métaphore de la croissance et du développement de l’enfant; la nature comme environnement propice aux enseignements et aux apprentissages, pourvoyeuse de contenus pédagogiques riches et variés; la nature comme objet d’enseignement et d’apprentissage permettant à l’enfant de s’ouvrir au monde.

Tinembart s’est focalisée sur le cas des écoles primaires du canton de Vaud au XIXe siècle. Dans la perspective de la nature envisagée comme une métaphore de la croissance de l’enfant, ce dernier est souvent comparé à une plante qui grandit, ou à un végétal qui croit et dont le substrat est la famille. Dans les discours pédagogiques, la nature est perçue comme un moyen de développer la vie intérieure de l’enfant, son introspection et son autocritique. Elle est également l’endroit idéal pour que l’enfant puisse expérimenter et se confronter à la vie réelle, notamment aux matières vivantes et non vivantes. Cette tendance se renforce au début du XXe siècle avec l’émergence de l’Éducation nouvelle.

Mais Tinembart revient aussi en arrière, au XVIIIe siècle, en prenant les exemples de Jean-Jacques Rousseau et de Johann Heinrich Pestalozzi dont les écrits ont marqué durablement la pensée pédagogique. Rousseau publie Émile ou l’Éducation en 1762, dans lequel il fait appel à l’exemple de la nature pour justifier ses thèses pédagogiques. Selon Rousseau, la liberté, dont l’essence est d’origine naturelle, est l’élément fondamental qui permet à l'enfant de procéder par séquences d’essai-erreur-apprentissage.

Dans un esprit de continuité, Johann Heinrich Pestalozzi a tenté de mettre en application les théories pédagogiques de Rousseau. Il a tenté de définir des lois naturelles de l’éducation en s’inspirant des préceptes de la nature. Selon lui, celle-ci constitue l’environnement parfait pour exercer ses sens. Suivant son souhait d’allier le travail de la terre avec l’éducation, il crée une école agricole à Birr dans le canton d’Argovie, le Neuhof (1771-1780), dont le but est d’offrir une profession aux enfants pauvres, celle d’agriculteur ou d’éleveur. Même si cette école fait faillite, les observations de Pestalozzi sur le développement des enfants lui permettent d’élaborer des théories pédagogiques à partir de cette expérience, dont certaines seront programmatiques dans la fondation en 1805 de l’institut d’Yverdon.

La troisième dimension qui concerne l’ouverture au monde par le biais de la nature se retrouve dans les ouvrages et manuels scolaires. Ces derniers sont destinés aux enseignantes et enseignants et servent d’appui pour leurs leçons. De manière concomitante avec l’essor de la forme scolaire moderne, émerge également au XIXe siècle un marché très lucratif de l’édition scolaire. Dans ces livres, la figure de Robinson Crusoé est souvent mobilisée. Seul sur une île, Crusoé apprend de son environnement grâce à sa confrontation avec la nature. L’idée est donc d’éduquer l’enfant avec l’inspiration de Crusoé et l’enseignant sert de guide dans cette quête. Cela représente une rupture avec l’enseignement antérieur censé domestiquer l’enfant. L’école doit désormais être émancipatrice.

Masoni de son côté s’est intéressée aux programmes et ouvrages scolaires des écoles primaires du canton du Tessin à la fin du XIXe siècle. Les résultats concordent avec les trois dimensions de la nature développées par Tinembart. De manière générale, la référence à la nature est utilisée pour aider l’enfant à s’ouvrir au monde, en partant du monde connu de l’enfant vers l’inconnu. L’apprentissage de la lecture se fait également par le biais de la nature. Par exemple, dans une adaptation tessinoise du manuel italien Sandrino nelle scuole elementari (1898), le lien entre la lecture et la nature est présent dans les quatre volumes de l’œuvre. La nature est donc très souvent mobilisée comme une source d’apprentissage. Aujourd’hui, le questionnement sur la place de la nature dans l’éducation n’est ainsi ni un effet de mode, ni une révolution. La nature était effectivement très présente dans la tête des pédagogues du XIXe siècle.

Après ce parcours dans le long XIXe siècle, la contribution d’ISMAËL ZOSSO-FRANCOLINI (Lausanne) n’est pas celle d’un historien mais d’un didacticien, et porte sur la question de l’intégration de l’histoire environnementale à l’école primaire. La transposition en classe de l’histoire environnementale représente aujourd’hui un défi majeur à la fois pour les élèves et les enseignantes et enseignants. Dans le contexte actuel, qui est celui des grèves du climat, et de l’idée que les « jeunes sont préoccupés », les attentes envers l’école sont très fortes. Comment l’école peut-elle donc s’emparer du sujet de la nature dans les programmes d’histoire ? C’est le mandat qui a été donné à la Haute école pédagogique du canton de Vaud (HEP-Vaud).

Quel est le sens donner à l’enseignement de l’histoire si le sentiment des élèves est que celle-ci peut se terminer, que ce soit pour des raisons environnementales, climatiques ou de crise de la biodiversité ? Selon Zosso-Francolini, cette question est centrale pour la légitimité de l’histoire à l’école. Face à un horizon incertain, il estime qu’il faut abandonner les démarches qui favorisent chez l’élève une représentation chrono-causale ou téléologique de l’histoire, en faveur d’une approche qui intègre, d’une part, l’idée d’incertitude dans la lecture des actions des acteurs et actrices de l’histoire et qui, d’autre part, permet de s’intéresser à des éléments non humains. L’objectif est ainsi de renforcer la dimension citoyenne dans l’enseignement de l’histoire environnementale et d’en faire un outil de la construction d’un futur en commun.

Dans cette ambition, Zosso-Francolini rappelle que le choix des récits est central. Sur quel type de récit s’appuyer ? Celui d’une nature en déclin, ou celui plus positif d’un progrès technologique pourvoyeur de solutions d’avenir ? Le chantier est ouvert et il n’y a l’heure actuelle pas de récit qui prime, mais plutôt une volonté d’embrasser l’aspect multidimensionnel de la nature et de l’environnement. Des essais ont déjà été réalisés en décentrant le regard par rapport aux objets d’histoire classiques, en enseignant, par l’exemple, l’histoire du loup, du bouquetin, du plastique, des parcs nationaux. Après ces premiers essais, les enseignants et enseignantes ont toutefois jugés ces thématiques trop éloignées des programmes et difficiles à intégrer à ceux existants. Le projet s’inspire de la geostoria en Italie, avec l’idée de faire participer les élèves à l’émergence de ces nouveaux récits. Bien qu’il y ait encore de nombreuses questions en suspens sur le choix d’un ou plusieurs récits, le but est de faire prendre de la distance aux élèves par rapport à la centralité de l’être humain dans le récit historique.

La vision actuelle du projet est qu’il est préférable de faire émerger l’histoire environnementale dans l’enseignement préexistant, plutôt que de l’ajouter comme nouvelle matière aux programmes. Depuis un an et demi, une formule qui consiste à introduire chaque année un thème spécifique est testée dans les écoles primaires du canton de Vaud : habiter la terre (5H); nourrir le monde (6H); organisation de l’espace (7H); consommer le monde (8H); concentrer les ressources (9H); transformer le monde (10H); les limites du monde (11H). Cette structuration repose sur quelques grandes idées : l’agentivité (capacité d’action des acteurs), la chronologie, l’espace commun et l’interdépendance.

À la fin des trois interventions, Tinembart relève la permanence du loup comme objet pédagogique, omniprésent dans les livres de lecture au XIXe siècle, et repris aujourd’hui dans les expériences d’histoire environnementale dans les écoles primaires. L’histoire ancienne des relations entre nature et pédagogie est ainsi faite de permanentes renégociations en fonction des enjeux culturels des différentes époques. Par ailleurs, l’intégration de la nature dans les programmes d’histoire d’aujourd’hui reste un chantier colossal selon Zosso-Francolini qui espère trouver des solutions pragmatiques, au-delà du plan théorique, en agissant par couche, en avançant à pas feutrés. A croire que, comme le loup, la question de la nature en éducation occupe les esprits depuis longtemps, et que si le panel a contribué à en suivre les traces, elle reste néanmoins largement évanescente.



Aperçu du panel:
Masoni, Giorgia et Tinembart, Sylviane: La place de la nature en tant que source de savoirs au sein des programmes et des manuels scolaires en Suisse: les cas vaudois et tessinois au XIXème siècle

Zosso-Francolini, Ismaël : Nature, anthropocène et histoire enseignée : quels parcours possibles

Wagnon, Sylvain (absent) : L’éducation nouvelle et la nature : une évidence historique ?

Veranstaltung: 
6e Journées suisses d'histoire
Organisiert von: 
Société suisse d'histoire et Université de Genève
Veranstaltungsdatum: 
29.06.2022
Ort: 
Genève
Sprache: 
f
Art des Berichts: 
Conference