Comme souvent à la fin des colloques de grande ampleur, on ressort du DH20141 les mains pleines de cartes de visites et d'adresses mail griffonnées sur un coin du programme. S'ajoutent à cela les multiples prospectus de présentation offerts lors de la session des posters2.
Les posters (plus d'une centaine) sont accrochés dans le hall de l'Amphipôle à l’université de Lausanne. La plupart présentent des outils de publication ou des bases de données. Malgré cela, les présentations varient. Certains outils servent à analyser un texte, un autre projet améliore les possibilité de jeux dans les musées, une plateforme favorise l'apprentissage du grec ancien... Dans le hall, la diversité est au rendez-vous. Le rapport ci-dessous est la restitution d'un parcours personnel à travers la poster session.
Muséographie et 3D
L'un des premiers posters3 du hall est un projet indien. Le concept présenté cherche à rendre plus attractifs les jeux présents dans les musées. Le but est de permettre aux visiteurs de jouer avec des objets de collections sans les toucher. Il s'agit donc d'offrir un accès virtuel à des objets ne pouvant pas être manipulés par le public. La technologie Kinect (mains libres) et le 3D permettent désormais de répondre à ces exigences et le développement du projet est en bonne voie. Toutefois, basé en Inde, le projet manque de fonds. Selon la présentatrice, la culture et la valorisation du patrimoine souffrent d'un manque d'intérêt qui ralentit passablement les démarches.
Études Bibliques, Littérature japonaise et Stylométrie
Les auteurs du poster suivant4 sont discrets. Le représentant de l'équipe présent dans le hall dit ne pas chercher la controverse malgré le potentiel polémique du sujet traité. Avec son équipe de l'université de Tel-Aviv, ils se sont penchés sur l'épineuse question de la rédaction de la Torah. Le questionnement ayant débuté par l'étude de variétés orthographiques possibles en hébreu, les chercheurs se sont par la suite demandé si ces variations permettaient d'en apprendre d'avantage sur la rédaction de la Torah. Les conclusions statistiques5 auxquelles ils sont parvenus les laissent supposer que la Torah a été rédigée sur la base de sources écrites. Ils soulignent, dans leur conclusion et toujours avec nuance, qu'il existe des «corrélations significatives entre l'orthographe et les hypothétiques sources originales»6.
Un autre projet7 s’attelle, lui aussi, à saisir l'auteur de textes. Au Japon, les chercheurs de l'université de Doshisha se sont plongés dans les textes posthumes de Saikaku. Parmi les écrits du poète japonais, les chercheurs se sont focalisés sur cinq d'entre eux. Si leurs conclusions ne remettent pas directement en doute le nom de l'auteur, elles soulignent pourtant que les taux d'apparition de certains discours et de certains mots, verbes et particules, dans ces cinq textes, diffèrent des taux présents dans d'autres écrits d'Ihara Saikaku. Pour parvenir à ces conclusions, les auteurs n'ont d'ailleurs pas pu, dans les premières phases du projet, recourir à la reconnaissance optique de caractère (ROC), car les textes en ancien japonais sont composés de mots qui ne sont pas séparés les uns des autres par des espaces. Pour l'instant seules les connaissances d'un être humain permettent d'interpréter les idéogrammes du 17ème siècle.
Philologie Classique et Pédagogie digitale
D'autres textes anciens sont présentés sur un poster. Le travail touche ici un registre différent : la philologie classique. Le projet8 émane de l'université de Leipzig qui présente sur un poster coloré en trois parties. Ces différents champs forment ensemble une plateforme d'apprentissage et de partage de connaissances. Le programme est déjà utilisé par certains professeurs et leurs élèves, mentionne l'une des présentatrices. La base de l'interface est une librairie open source de textes antiques en grec et en latin. La deuxième partie est axée sur l'apprentissage de la grammaire et du vocabulaire. La possibilité d'annoter les corpus et de recourir à la librairie facilite le processus d'assimilation. Dernier maillon de la chaîne, un espace de publication scientifique développé par les chercheurs. Les enseignants ainsi que les élèves peuvent y contribuer. L'infrastructure est « dynamique et offre une représentation complète des relations entre les sources, les citations et les annotations ». Le rôle du professeur ne disparaît pas pour autant des questions liées à la publication, puisqu'il garde un droit de regard sur ce qui est publié. De plus, à en croire la présentatrice, l'outil permet à l'enseignant de suivre la progression de ses élèves. Il sait ainsi à quel stade d'apprentissage ils en sont et peut moduler ses enseignements de façon stimulante et en adéquation avec le savoir de ses étudiants. Le projet a été conçu pour le long terme et la pérennité financière de l'outil a par ailleurs déjà été abordée par une équipe de chercheurs9.
Mal représentés ?
Parmi les visiteurs, un journaliste français s'offusque que seul le champ académique soit représenté lors de ces journées. Il déplore par ailleurs un côté clanique qui n'a rien d'agréable. Très intéressé par les posters et malgré ses critiques, l'homme fait remarquer que le domaine dispose d'un immense potentiel et que nombre de ces projets ont un bel avenir devant eux. Le psychologue allemand qui prend en photo les posters les plus esthétiques ne saurait lui donner tord. Pour lui, le lien entre la psychologie et les outils informatiques est déjà bien établi. Les site de rencontres en ligne, par exemple, recourent beaucoup aux connaissances des psychologues. Le milieu du recrutement sur internet également. Selon lui, en psychologie, les applications en humanités digitales sont bien implantées.
Ainsi, si certains domaines semblent en effet avoir trouvé leur place dans le monde digital, la majeur partie des projets présentés à Lausanne sont en en train de trouver la leur. Il nous faut donc garder un œil attentif sur les pistes proposées durant la session de posters. Bien que le papier serve encore de porte d'entrée, le suivi sera inévitablement digital, que ce soit à travers l'actualité Twitter des hashtags #DH ou en parcourant les sites internet des différents projets. La pile de prospectus de fin de colloque aura quant à elle remplit son rôle lorsque les contacts numériques qu'elle contient auront été établis.
1. http://www.dh2014.org/
2. Voir le programme : http://dh2014.org/program/poster-session-details/
3. http://www.dharchive.org/paper/DH2014/Poster-441.xml consulté le 12.08.2014
4. http://www.dharchive.org/paper/DH2014/Poster-749.xml consulté le 12.08.2014
5. http://en.wikipedia.org/wiki/Cochran%E2%80%93Mantel%E2%80%93Haenszel_sta... consulté le 13.08.2014
6. http://dharchive.org/paper/DH2014/Poster-749.xml consulté le 20.07.2014
7. http://www.dharchive.org/paper/DH2014/Poster-862.xml consulté le 12.08.2014
8. http://www.dharchive.org/paper/DH2014/Poster-827.xml consulté le 12.08.2014
9. http://www.dh.uni-leipzig.de/wo/open-philology-business/ consulté le 13.08.2014
Posters Session 1 et 2