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Qui a peur des historien·ne·s ? Sur l’affaire Crypto AG

Le 11 février 2020 ont été révélés les résultats d’une enquête menée par la SRF, le Washington Post et ZDF sur l’entreprise suisse Crypto AG. L’enquête montre, documents et témoignages à l’appui, que l’entreprise zougoise spécialisée en appareils de cryptage a collaboré pendant des dizaines d’années avec la CIA et les services secrets allemand (BND) pour vendre à certains de ses clients des appareils munis de portes dérobées (backdoors) qui permettaient aux complices de lire les communications cryptées par les machines de Crypto AG.

L’affaire fait désormais l’objet d’une enquête interne à l’administration fédérale et d’une autre par la Délégation des commissions de gestion du Parlement, notamment pour déterminer l’implication du Conseil fédéral. La possibilité d’une Commission d’enquête parlementaire est également en discussion.

L’hypothèse d’une commission d’historiens a, selon la NZZ, été évoquée, puis rejetée par le Conseil fédéral. L’heure est à la gestion de crise plutôt qu’à l’établissement de la vérité historique. Nul doute cependant que cette opération secrète, - nom de code ‘rubikon’ - par l’importance stratégique qu’elle a pu avoir dans les relations internationales de l’après-guerre et le rôle central que la Suisse y a joué - est appelé à occuper les historien·ne·es à l’avenir.

Pour le moment présent, cette affaire a également révélé un certain nombre de dysfonctionnements dans la gestion des archives de l’administration publique. Il y a eu, d’abord, le cas d’un dossier égaré, puis retrouvé quelques jours plus tard, par les Archives fédérales. Il y eu, ensuite, la révélation d’un document ‘trouvé dans un bunker’ par les Services de renseignement de la Confédération et transmis à la Conseillère fédérale en charge de la défense Viola Amherd en décembre 2019.

Ces deux cas suscitent la préoccupation des historiennes et des historiens. Le directeur de la Société suisse d’histoire Sacha Zala a dénoncé la tendance des certains secteurs de l’administration fédérale a faire de la rétention d’archives pour se soustraire aux obligations prévues par la Loi sur l’archivage. La Société suisse d’histoire a également formulé des propositions concrètes pour renforcer les prérogatives des Archives fédérales en la matière.

infoclio.ch partage ces préoccupations et soutient la proposition des la Société suisse d’histoire. La préservation des archives de l’Etat - y compris ceux des Services de renseignement de la Confédération - est un prérequis essentiel du fonctionnement d’un état démocratique, et la condition fondamentale pour que les historien·ne·s de puissent faire leur travail.

Pour ces raisons, infoclio.ch invite les autorités à faire toute la lumière sur la gestion des documents dans l’affaire Crypto AG et à mettre en place des procédures pour éviter que des archives ne soient détruites ou soustraites à l’obligation d’archivage.