Responsabilité: Pietro Nosetti, Enrico Berbenni
Intervenant-e-s: Pietro Nosetti, Enrico Berbenni
Commentaire: Pietro Cafaro
L’introduction au panel est effectuée par PIETRO CAFARO. Après avoir souligné le rôle majeur des banques dans le processus d’industrialisation et donc de création de richesse, via notamment la mobilisation et l’emploi de ressources financières, Pietro Cafaro a rappelé la distinction classique entre banque de dépôts et banque d’affaires. L’émergence et le développement de tels établissements bancaires pose dès la fin du XIXe siècle les questions fondamentales, encore aujourd’hui, de la protection de l’épargne et de la confiance dans le système d’émission monétaire. Les deux présentations du panel se rejoignent sur ce thème.
Dans une communication intitulée « Savings protection and banking regulation in Italy up to the Great Depression », ENRICO BERBENNI analyse l’émergence des premières régulations du système bancaire en Italie et distingue trois périodes. Tout d’abord, de la proclamation du Royaume d’Italie en 1861 au début des années 1890, l’Italie vit à l’heure du free banking : seules les banques d’émission font l’objet d’une règlementation sommaire. La décennie 1890 marque un premier tournant : dans un contexte de crise bancaire, liée notamment aux chutes de Banca Generale et Credito Mobiliare en 1893 et 1894, la loi du 10 août 1893 réforme l’émission monétaire. Elle instaure un contrôle étatique sur l’émission en créant la Banque d’Italie. Le deuxième temps de l’émergence de la régulation bancaire en Italie débute également à l’occasion d’une crise financière. En 1907, l’une des plus grandes banques du pays, la Società Bancaria Italiana, est sauvée de la liquidation grâce à l’intervention de l’Etat. Conséquence directe de la crise, le besoin d’une plus grande règlementation des établissements de crédit se fait alors sentir en Italie. Malgré cette prise de conscience, les avancées en termes de régulation sont relativement timides : la supervision des banques est alors très largement laissée à la charge des établissements bancaires eux-mêmes. Cette approche « libérale » est toujours en vigueur au cours de la troisième phase, lorsque l’Italie, à l’instar des autres pays occidentaux, connaît des difficultés monétaires et plusieurs scandales bancaires dans les années 1920. Une nouvelle règlementation bancaire voit le jour en 1926 : elle est le résultat d’interactions complexes entre les sphères politiques et économiques. Il s’agit en effet de stabiliser politiquement le pays après plusieurs scandales financiers, de contrôler le niveau de la dette publique, et également de retrouver une stabilité monétaire avec le retour à la convertibilité or de la lire. La Banque d’Italie obtient alors le monopole d’émission de billets et tient un rôle nouveau dans la supervision des établissements bancaires. Des mesures directes sont également prises pour protéger les épargnants. Ainsi, pour la première fois dans l’histoire du pays, un montant minimal en capital est imposé aux établissements bancaires. Ces barrières à l’entrée, ainsi que la crise économique, conduit à une réduction drastique du nombre de banques exerçant en Italie : on compte en 1935 environ 1000 établissements bancaires de moins qu’en 1927. Enrico Berbenni montre alors que la loi de 1926 vient préparer la loi de 1936, faisant de la Banque d’Italie un organisme de droit public, chargé de superviser les banques italiennes et d’émettre les billets de banques.
Dans sa communication « Les formes de l’épargne bancaire en Suisse. Le cas de la Banca dello Stato del Cantone Ticino (1915-2018) et l’innovation financière », PIETRO NOSETTI entend élargir la recherche de l’histoire bancaire suisse aux produits, à l’épargne et à l’innovation financière. Il s’intéresse pour cela aux formes qu’a revêtu l’épargne privée « stricte », c’est-à-dire celle du « petit épargnant » – par opposition à l’investisseur sur les marchés financiers - au cours des cent dernières années, et adopte une perspective locale en étudiant la Banque cantonale de Tessin. Créée en 1915, celle-ci connaît une clientèle essentiellement domestique. La Banque cantonale de Tessin est donc un acteur privilégié pour étudier les formes locales de l’épargne. En effet, elle recueille au minimum 20% de l’épargne tessinoise de 1945 à nos jours et jusqu’à 50% au cours de la Seconde Guerre mondiale. Comme pour les autres banques cantonales, ses dépôts sont garantis, ce qui permet une plus grande protection des épargnants. Il faudra en effet attendre 1984 pour la garantie des dépôts s’applique à l’échelle de tout le secteur bancaire. Venons-en aux produits bancaires eux-mêmes : alors que les livrets d’épargne et les obligations de caisse constituaient le placement préféré du « petit épargnant », les différents comptes de dépôts ne représentent aujourd’hui que 20% de l’épargne bancaire en Suisse. Cela s’explique notamment par l’apparition de nouvelles catégories de produits, comme l’essor et la multiplication des fonds communs de placement et des produits de la prévoyance respectivement depuis les années 1950 et 1970. Pietro Nosetti montre alors que l’histoire des formes de l’épargne est indissociable de celle de l’innovation financière. La perspective adoptée dans cette présentation est résolument locale, mais elle semble représentative de changements plus larges s’opérant à l’échelle du territoire national. Comme l’a souligné la discussion qui s’engage à l’issue de la présentation, seules des études complémentaires portant sur d’autres aires géographiques pourraient toutefois permettre de généraliser ces résultats.
Aperçu du panel:
Enrico Berbenni, Savings Protection and Banking Regulation in Italy up to Second World War.
Pietro Nosetti, L'épargne bancaire en Suisse au XXe siècle. Le cas de l'innovation de produit d'une banque cantonale.
Ce compte rendu de panel fait partie de la documentation infoclio.ch des 5èmes Journées Suisses d'Histoire.