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Panel: Narrative über Reichtum und Macht in Wissenschaft, Unterricht und Museum

Autor / Autorin des Berichts: 
Niels Rebetez
niels.rebetez@unifr.ch
Université de Fribourg

Citation: Rebetez, Niels: Panel: Narrative über Reichtum und Macht in Wissenschaft, Unterricht und Museum, infoclio.ch-Tagungsberichte, 04.07.2019. Online: <https://www.doi.org/10.13098/infoclio.ch-tb-0194>, Stand: 07.11.2024.

Responsabilité : Barbara Welter Thaler
Intervenant-e-s : Dominik Sauerländer, Verena Berthold, Barbara Welter Thaler
Commentaire: Gesine Krüger

Version PDF du compte rendu


Ce panel, dédié aux récits (narrative) sur la richesse et le pouvoir dans plusieurs sphères – académique, éducative et muséale – a réuni des professionnel·le·s de tous ces domaines. En introduction, BARBARA WELTER THALER (administratrice du séminaire d’histoire de l’Université de Zurich, et spécialiste en muséologie et public history) a souligné l’idée forte à l’origine de ce panel, à savoir faire dialoguer ensemble le milieu académique et celui de la pratique (professionnelle) sur ce sujet.

Après la présentation du panel et des trois intervenant·e·s, le premier exposé, de DOMINIK SAUERLÄNDER (historien indépendant et didacticien à la Fachhochschule Nordwestschweiz), a mis en évidence un changement de paradigme important et récent dans la manière de décrire et de questionner les récits historiques dans les manuels scolaires suisses. En prenant l’exemple concret du manuel Gesellschaften im Wandel («Sociétés en mutation»), actuellement utilisé dans des écoles alémaniques, il a montré que ce changement relevait autant du contenu que de la méthode. Dans cette nouvelle perspective, un accent particulier est mis non pas uniquement sur le passé mais également sur son lien avec le présent (pourquoi celui-ci est comme il est), sur l’interprétation individuelle et réflexive des élèves, et sur la constitution de leur propre interprétation historique à partir de perspectives multiples. Le rôle et la place de l’enseignant·e sont modifiés, les élèves sont mis·es au centre et considéré·e·s comme des acteurs·trices actifs et actives dans le processus d’appropriation de la matière historique. Une inflexion supplémentaire tient à un travail sur des questions d’ordre moral sur des thèmes jusqu’alors souvent négligés dans les manuels d’histoire, comme les inégalités économiques (dont les différences salariales entre hommes et femmes en Suisse) ou les raisons de la pauvreté. Ce dernier aspect a toutefois suscité des critiques, notamment parlementaires, sur la «neutralité» du manuel, révélant ainsi le caractère politique et sensible de certains sujets d’histoire. Sauerländer a conclu son exposé en plaidant en faveur de cette nouvelle perspective, qui permet selon lui de favoriser une interprétation historique propre et critique, à partir d’angles d’approche variés.

L’école a également été au cœur de la deuxième présentation, faite par VERENA BERTHOLD (historienne et enseignante d’histoire à la Kantonsschule de Baden). Dans sa pratique professionnelle, elle aborde la thématique de la richesse en rapport avec la pauvreté et à travers les différentes époques historiques. Son exposé était ensuite structuré autour de trois thèses. Premièrement, elle a constaté que ses élèves actuel·le·s sont conscient·e·s de vivre dans un pays riche et ainsi d’être pour la plupart dans une situation privilégiée. Cette conscience n’était pas autant développée dans le passé qu’aujourd’hui, même s’il était admis que la Suisse est un pays riche. Deuxièmement, ses élèves ne sont pas seulement conscient·e·s d’être privilégié·e·s, mais ils et elles se sentent menacé·e·s dans cette position et expriment le souci de la conserver. Berthold a indiqué que globalement ils et elles voient la richesse de leur pays comme un élément positif et ne questionnent pas les raisons à l’origine de cette situation (comment et sur quoi s’est bâtie la richesse de la Suisse). Troisièmement, cette vision ne relève pas d’une particularité de ses élèves. Ceux-ci représentent plutôt un miroir de la société actuelle dans son ensemble, imprégnée selon Berthold de néolibéralisme et d’incertitudes. Sur ce dernier point, elle a souligné le stress dont le discours de ses élèves était empreint – particulièrement les garçons – et son lien avec l’actualité (changement climatique, globalisation, perspectives professionnelles, etc.). Elle a terminé sa présentation sur les implications que ce constat avait sur l’enseignement de l’histoire et le rôle des enseignant·e·s. Elle a défendu l’idée qu’une de ses tâches en tant qu’enseignante était d’offrir des perspectives multiples à ses élèves et de travailler sur leur sensibilité à l’injustice pour favoriser un questionnement autour de la solidarité, qu’elle considère comme un objectif pédagogique à part entière.

L’entrée des musées dans le panel s’est faite par l’entremise de BARBARA WELTER THALER dans la troisième présentation. Elle a souligné que les récits autour de la richesse et du pouvoir traversaient l’histoire des musées d’histoire culturelle. Néanmoins, ceux-ci ont vécu une modification fondamentale dont Welter Thaler a ensuite entrepris de décrire l’origine et les implications. Ainsi, jusqu’au milieu du 20e siècle, la présentation d’œuvres et d’objets onéreux et à la finition «riche» se trouvait au centre de l’activité des musées. Ils étaient considérés comme pertinents, agissaient comme symboles de la puissance nationale et du succès bourgeois (bürgerlicher Erfolg). Le pouvoir politique et économique – masculin – était mis en scène et légitimé. Toutefois, ce modèle normatif a changé à partir de la deuxième moitié du 20e siècle, lorsque les praticien·ne·s et les chercheur·e·s autour des musées ont commencé à intégrer l’idée, dans la littérature spécialisée et les pratiques, que ceux-ci relèvent d’un «dispositif» au sens foucaldien du terme. Ce tournant est visible dans la volonté actuelle des musées d’être moins normatifs dans leurs mises en scène et de présenter une pluralité d’acteurs·trices, de cultures et de valeurs, et de ne pas les traiter comme des évidences implicites mais au contraire de les questionner et de les problématiser. Ils prennent également plus en compte la pluralité des visiteurs·euses et l’idée que ceux-ci sont des acteurs·trices dans les musées. Finalement, dans la dernière partie de son exposé, elle a abordé des pistes pour une pratique muséale réflexive, en particulier celle de considérer et d’utiliser les expositions muséales comme lieux de représentations protéiformes de la richesse et du pouvoir, ainsi que de visibilisation des processus d’ascension ou de déclin social.

A l’issue des présentations, GESINE KRÜGER (Université de Zurich) a axé son commentaire sur trois points, à un niveau méta-réflexif. Premièrement, elle a souligné que les pratiques enseignantes et muséales étaient aussi riches que la recherche académique, au contrairement à ce qui est souvent dit ou pensé. Deuxièmement, elle a relevé l’importance des processus de traduction entre recherche, musées et enseignement, notamment sur les conceptions de la neutralité et de l’objectivité, et a rappelé le caractère situé de la pratique de l’histoire. Troisièmement, elle s’est jointe aux intervenant·e·s qui venaient de s’exprimer pour dire l’importance de la narration individuelle, dans le sens où chaque individu a une conscience et une interprétation historiques propres.

Le panel s’est terminé par une discussion avec le public. Les questions et les remarques ont été nombreuses et de qualité. Parmi elles, un consensus s’est dégagé sur la nécessité de pratiquer une approche critique des sources historiques et de l’écriture de l’histoire dans tous les contextes – école, musée, et également sur les réseaux numériques. Par contre, un désaccord s’est fait jour sur le caractère idéologique (ou non) de l’enseignement et sur le rôle des enseignant·e·s dans la transmission de valeurs. Au final, ce panel de qualité a permis effectivement de faire des liens pertinents et concrets entre théorie et pratique, et de montrer des évolutions substantielles qui ont eu lieu ou se déroulent actuellement dans les milieux de l’enseignement et des musées en Suisse, en lien avec la thématique générale de la richesse et du pouvoir, de leurs représentations et des appréhensions qu’elles suscitent.


Aperçu du panel:

Sauerländer, Dominik: Geschichtswissenschaftliche Narrative über Reichtum und Macht im didaktischen Diskurs: Anmerkungen zu einem Perspektivenwechsel.

Berthold, Verena: Lernziel Solidarität. „Macht“ und „Reichtum“ im Unterricht.

Welter Thaler, Barbara: Zur Schau stellen - zur Diskussion stellen. Geschichte, Praxis und Rezeption des Museums im Kontext von Narrativen über Reichtum und Macht.



Ce compte rendu de panel fait partie de la documentation infoclio.ch des 5èmes Journées Suisses d'Histoire.

Event: 
5èmes Journées Suisses d'Histoire
Organised by: 
Société suisse d'histoire et Université de Zürich
Event Date: 
05.06.2019
Place: 
Zürich
Language: 
f
Report type: 
Conference