Le mardi 19 avril 2011 a eu lieu la troisième et dernière rencontre de la série des Humanités digitales@Unil à l’UNIL avec pour titre : Un regard rétrospectif sur la rencontre de l’écriture et du numérique en Romandie : défis littéraires, artistiques, juridiques et économiques.
Ce sont Ambroise Barras (Activités culturelles de l'Université de Genève), François Voegli (Dr en sanskrit) et divers membres du groupe Infolipo qui ouvrent la séance en rappelant l’histoire d’Infolipo. Cette première intervention allie la programmation et l’art. Avec les Cent mille milliards de poèmes de Queneau, il y a l’importance du nombre qui est prise en compte, les permutations des vers permettant une quasi infinité de variantes. Les possibilités sont si nombreuses que la perception de l’œuvre en est transformée ; seule les technologies numériques pourraient en faire en une lecture exhaustive. Cependant, l’intérêt d’Infolipo est plus large, le but étant l’élaboration d’œuvres numériques, dont la particularité est de jouer sur l’interaction entre l’informatique et le spectateur, ce dernier pouvant de diverses façons faire évoluer l’œuvre et devenant ainsi acteur de l’œuvre. Dans la conclusion, quatre axes sont soulignés : l’interactivité, l’analogie, la narration, et la mise en avant de mécanismes qui rendent l’œuvre possible. L’auteur des œuvres est un programmateur, qui doit prévoir les comportements des spectateurs et penser toute la mise en scène de l’œuvre.
Jean-Jacques Bonvin et Marina Salzmann (auteurs, président et membre du comité de rédaction de la revue Coaltar) apportent la seconde contribution, toujours dans le domaine artistique, en présentant leur revue littéraire expérimentale (http://www.coaltar.net/) et les différentes questions rencontrées lors de son élaboration, comme la question de la dimension (hauteur et largeur) des textes et des tailles d’écrans. L’objectif n’est pas d’abord l’interaction ou la mise en scène de l’œuvre, mais vraiment de rendre disponible le texte, d’en permettre une lecture avec le minimum de complications techniques. Pour cela, tous les médias sont possibles, que ce soit les liens hypertextes, les images ou la musique, le but étant toujours de conserver la plus grande simplicité.
Pour la troisième intervention, Me. Sébastien Fanti (avocat spécialiste du droit des nouvelles technologies) change d’approche pour introduire la complexité des questions juridiques. La rapidité de l’évolution technologique est telle que des cas comme celui Google street view ne peuvent pas immédiatement taxés de légal ou illégal. Le but est alors de trouver des mesures efficaces pour éviter les dérives et les mécontentements, les personnes pouvant se sentir flouées. Pour reprendre l’exemple de Google, des images sont rendues publiques et les individus voient ainsi leur photo ou leur patrimoine exposé sur internet, ce qui constitue un viol de la propriété privée. Il y a également une tension entre la gratuité et à la taxation, les droits d’auteurs étant souvent contournés ou franchement transgressés. Toute la difficulté est alors de trouver un modus vivendi acceptable pour tout le monde. La technologie représente donc un défi pour les juristes, qui doivent s’armer pour faire respecter les droits de l’Etat, malgré l’évolution rapide. Me Fanti conclut avec l’idée d’une commission centrale au niveau mondial des droits d’auteur pour ce qui touche à la technologie, afin de lutter également contre la délocalisation, c’est-à-dire de payer ces droits dans un pays où le coût est moindre.
Cette présentation est suivie de débats, la question des taxations allant à l’encontre de l’idéal de gratuité sur internet. Un autre point débattu est la tension entre ce qui relève de l’intimité privée et ce qui peut être consulté en tout temps par n’importe qui.
La séance se termine avec la contribution de Franck Franchin (doctorant HEC) qui apporte un éclairage sur l’approche économique. Pour ceux qui développent des produits, principalement des films ou de la musique, le producteur doit impérativement éviter que leurs créations ne soient disponibles au public avant leur sortie officielle, ce qui entrainerait la perte de sommes importantes. Toute la question est celle des droits d’auteur, avec le constat d’une inégalité : les gros producteurs détiennent des parts de marché et les petits producteurs ne reçoivent finalement que très peu d’argent. Dans sa conclusion, M. Franchin affirme qu’avec de bonnes structures, les consommateurs sont prêts à payer le produit plutôt qu’à le pirater, si cela permet d’avoir réelle plus-value.
Dans les discussions qui suivent, la question du copyright est posée, celui-ci n’ayant pas unique but la rémunération de l’artiste, mais la discussion tourne surtout autour de la commercialisation, laissant de côté les aspects autres que financiers. Pour cela, il y a l’affirmation que les inventions ont deux vies : leur fonction première et leur commercialisation.