Cette étude s’inscrivant dans le champ de l’histoire transnationale n’est pas à considérer uniquement comme un enrichissement direct de son objet qu’incarne l’exil de l’ancienne Tchécoslovaquie à la Suisse après l’été 1968. À plus juste titre, elle se veut un travail expérimental ; sur l’exploitation de la méthode de l’histoire orale pour l’étude de type qualitatif d’un cas migratoire particulier. C’est ainsi par le biais d’une combinaison d’approches innovatrices que ce projet propose une actualisation intéressante de l’histoire de ces anciens réfugiés en Suisse, tout en comblant certaines lacunes au niveau de l’historiographie nationale. Dans le but premier de réinsuffler à la séquence historique choisie son caractère dynamique autant dans l’espace que dans le temps, la démarche adoptée dans ce Mémoire peut se résumer en trois points, correspondant à autant de dimensions que peut prendre ce dynamisme à reconstituer. Vers l’arrière d’abord : l’analyse invite à adopter la perspective atypique du rapport de l’exilé à son pays d’origine. Vers l’avant : la focale se place cette fois sur la progression dans le temps de ce qu’Alexis Nouss appelle l’ « expérience exilique » des acteurs, d’une part à l’échelle individuelle. D’autre part, cette étape permet d’observer l’évolution de la vague d’exil dans son ensemble, non seulement à l’échelle collective, mais aussi au fil des générations. La dernière dimension correspond enfin à la nature-même des mécanismes identitaires à l’oeuvre dans de tels voyages entrepris à l’époque de la Guerre froide ; d’un côté à l’autre du Rideau de fer. L’identité complexe, plurielle, voire hybride des témoins fonctionne ainsi comme la pierre angulaire des réflexions soutenant la problématique principale. Centrée sur les parcours individuels de chacun des vingt ressortissants tchécoslovaques, l’analyse thématique est bâtie autour de trois chapitres, respectant eux-mêmes la chronologie et le rythme des vingt calendriers de vie. Suivant l’évolution de la vie familiale, professionnelle mais aussi le développement personnel des témoins d’un point de vue culturel et enfin social et civique, cette recherche ose éclairer les réalités subjectives de ce chapitre historique. Au travers de la mise en scène de soi et de divers jeux des représentations, la frontière entre fiction et histoire, entre « rêve et réalité » tend à s’effacer ; à l’expert en histoire orale de savoir en tirer profit.
Publication: https://www.unifr.ch/histcont/fr/recherche/aux-sources-du-temps-present/...