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Panel: Un pouvoir fantasmé. Construction, usages et limites de la référence à l’international au XXe siècle

Autor / Autorin des Berichts: 
Magali Michelet, Université de Fribourg
magali.michelet@unifr.ch


Zitierweise: Michelet, Magali: Panel: Un pouvoir fantasmé. Construction, usages et limites de la référence à l’international au XXe siècle, infoclio.ch Tagungsberichte, 2016. Online: infoclio.ch, <http://dx.doi.org/10.13098/infoclio.ch-tb-0113>, Stand:


Organisateurs: Damiano Matasci ; Marie-Luce Desgrandchamps
Participants: Gregory Meyer, Damiano Mataschi, Marie-Luce Desgrandchamps
Commentaire: Sébastien Farré

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Dans l’introduction au panel, SÉBASTIEN FARRÉ commence par définir la référence à l’International comme le point commun réunissant les trois chercheurs présents à ses côtés qui ont pourtant travaillé sur des terrains sensiblement différents, allant de l’aide humanitaire à l’éducation en passant par l’urbanisme, notamment. L’histoire transnationale, voire globale représenterait-elle désormais une tendance, voire une nécessité institutionnelle pour la profession ? C’est ainsi que Farré, en tant que modérateur, ouvre le débat qu’il décide de structurer en trois grandes problématiques. Ce compte-rendu respecte cette composition, intégrant ainsi les interventions des différents orateurs selon les thématiques [A], [B] et [C].

Pour répondre à la première grande question soulevée dans ce panel : « Pourquoi et dans quelle mesure la dimension internationale est-elle importante pour nos objets de recherche ? » [A], c’est GRÉGORY MEYER qui est invité à amorcer l’exposé. Genève, nous explique alors ce dernier, a assumé au fil du temps une fonction de ville hôte de plus en plus importante notamment avec le siège de la SDN dès 1919 et celui de l’ONU dès 1945. Mais à l’heure du début de ses travaux de recherche, aucune étude n’avait encore été menée sur les interactions entre les autorités locales et la construction de cette Genève internationale, ce qu’il a dès lors ambitionné d’analyser dans son aspect à la fois social et urbain. En effet, il s’agit alors pour lui de croiser les différentes historiographies : locale, nationale et internationale. Comment l’histoire de l’Esprit de Genève[1] est-elle à concilier avec le mythe helvétique et sa résonance internationale ? Suivant cette même logique, c’est au tour de DAMIANO MATASCI travaillant, pour sa part, sur l’histoire de l’Unesco, de mettre en évidence les deux points d’attache qui font de la référence à l’International une démarche méthodologique intéressante à utiliser pour sa recherche, mais tout à la fois à remettre en question et à discuter. D’un côté, explique Matasci, l’échelle internationale permet dans le domaine de l’éducation de repenser l’histoire nationale en apportant une dynamique comparatiste. D’un autre côté, puisque l’Unesco se trouve dans les années 50-60 prise dans les tensions de la guerre froide et de la décolonisation, cette perspective internationale amène à la réflexion sur le concept de la globalisation. Enfin, dans la première partie de sa communication, MARIE-LUCE DESGRANDCHAMPS quant à elle affirme qu’en se penchant sur l’histoire de l’aide humanitaire, la confrontation à l’International est inévitable. Mettant par-là le doigt sur l’un des points de friction résultant de ce recours à la dimension internationale, elle précise : si le dépassement des frontières semble d’emblée être connoté de manière positive, signifiant dans le cas du CICR la réunion de pourvoyeurs d’aide en vue d’une noble cause, cela n’est pas forcément perçu comme tel par les destinataires tout d’abord, ni d’ailleurs par la totalité de la communauté internationale à une époque où la décolonisation ne se trouve qu’à un stade embryonnaire.

Comment la question de l’International se pose-t-elle dans ces objets de recherche, combien est-elle « structurante » ? [B] Dans cette deuxième problématique, les trois intervenants sont amenés à tirer un trait entre un International perçu et un International réalisé. Du côté de la Genève internationale de Grégory Meyer, la concurrence créée par d’autres villes hôtes européennes ainsi que les tensions liées au devoir de la Suisse de soutenir Genève dans sa position font apparaître la fonction de légitimation des discours mythiques de cette ville fondés sur les attributs de neutralité et d’aide humanitaire, notamment. Si l’International comme lieu de pouvoir semble ici s’incarner dans les bâtiments, Damiano Matasci relève pour le cas de l’Unesco que c’est la question coloniale qui limite l’universalité rêvée du projet. Si l’on envisage encore avec Marie-Luce Desgrandchamps le CICR comme producteur de pouvoir, s’affirme alors la nécessité pour une telle institution de gagner en légitimité en affirmant son caractère international auprès des gouvernements indépendants d’Afrique. La référence à la visite du représentant du CICR E. Gloor au Cameroun en 1960 en fournit ici un exemple pertinent. Celui-ci s’efforçait de refouler l’étiquette suisse de l’institution au profit d’un titre plus international, espérant ainsi estomper les connotations négatives attribuées aux institutions étrangères engagées sur le continent africain généralement perçues comme paternalistes et racistes.

Mais dès lors, interroge à nouveau Farré, soulevant ainsi la troisième et dernière grande problématique traitée dans ce panel : quelles sont les limites, les résistances, les décalages voire les conflits vis-à-vis du pouvoir supposément « structurant » de l’international [C] ? Par une réponse à la fois concise et imagée, Grégory Meyer choisit de citer quelques exemples de circonstances historiques où se sont fait jour les limites des croisements d’intérêts entre politiques, architectes et citoyens. Il mentionne notamment le cas du référendum organisé en réaction à la création de la Fondation des immeubles pour les Organisations Internationales (FIPOI) en 1964, qui montre les résistances occasionnées par la forte demande en locaux des organisations internationales au sein de la population locale. De tels décalages hiérarchiques sont aussi de mise pour l’Unesco, nous affirme Damiano Matasci, puisque celle-ci doit faire face à une certaine pression provenant des organisations onusiennes. En effet, la politique coloniale en matière d’éducation est encore loin d’être dépassée malgré l’accélération du processus de décolonisation et c’est pourquoi l’Unesco se voit forcée d’employer des arguments de « re-légitimation », selon les termes de Matasci, destinés à contrecarrer les critiques liées à l’ampleur des inégalités dans le développement de l’éducation. Dans l’étude de Marie-Luce Desgrandchamps, les conséquences du décalage engendré par le pouvoir convoité de la référence à l’International sont plus graves : « le mythe du CICR va se fracasser », déclare-t-elle. Si les gouvernements africains peinent déjà à reconnaître le mandat international représenté, la plupart du temps, par des équipes sur place composées uniquement de blancs européens, dans le cadre de l’aide en cas de conflit, la situation s’avère encore plus délicate.

Au cours de la brève séance d’échanges abordant notamment l’aspect conflictuel au niveau du financement des différentes organisations internationales, les éventuels reproches adressés aux délégués de Genève quant à leur attitude plus ou moins raciste ou encore la spécificité de l’université de Genève pour ce qui est de sa perspective internationale de l’histoire, la discussion a finalement soulevé la question centrale des archives exploitées et exploitables lors du traitement d’un sujet international, montrant aussi bien les avantages pratiques que les désavantages méthodologiques de ne recourir qu’aux sources conservées par exemple à Genève par les différentes organisations internationales. Le mot de fin est offert par Sébastien Farré, invitant l’auditoire à prolonger la réflexion sur un international abordé en tant que point de départ sur lequel il s’agit de multiplier, diversifier, et surtout questionner les approches possibles… tout en évitant de tomber trop rapidement sous son charme !

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[1] Meyer se réfère ici explicitement à Robert de Traz et son Esprit de Genève paru en 1921.

Aperçu du panel

MEYER, Grégory : Genève, ville entre « local » et « international »

MATASCI, Damiano : L’illusion de l’international. L’Unesco et le développement de l’éducation en Afrique (1945-1960)

DESGRANDCHAMPS, Marie-Luce : A la conquête de l’Afrique : légitimation, moyens et contestations des activités du CICR dans les années 1960

Evènement: 
4e Journées suisses d'histoire
Organisé par: 
Société suisse d'histoire et Université de Lausannne
Date de l'événement: 
09.06.2016
Lieu: 
Université de Lausanne
Langue: 
f
Report type: 
Conference
Fichiers attachés: