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Humanités Digitales@Unil (1) - Qu’est-ce qui bout dans la marmite digitale de l’Unil ?

Autor / Autorin des Berichts: 
Elsa Neeman (Unil)



Citation: Neeman Elsa, « Humanités Digitales@Unil (1) - Qu’est-ce qui bout dans la marmite digitale de l’Unil ? », infoclio.ch comptes rendus, 2011. En ligne: infoclio.ch, <http://dx.doi.org/10.13098/infoclio.ch-tb-0003>, consulté le


Le jeudi 17 mars 2011 a eu lieu à l’Université de Lausanne la première de trois soirées réunies sous la formule « Humanités digitales@unil », trois soirées qui se proposent d’explorer sous différents angles la rencontre entre les sciences humaines et les nouvelles technologies. A l’origine de la démarche, cinq professeurs et chercheurs (Claire CLIVAZ (Unil), Christian GROSSE (Unil), Frédéric KAPLAN (EPFL), Jérôme MEIZOZ (Unil), et François VALLOTTON (Unil), avec le soutien de l’Interface Sciences-Société de l’Unil) et au bout du compte un colloque international sur le sujet cet été (http://www.unil.ch/digitalera2011/).

Il s’agissait pour les différents intervenants de cette première rencontre intitulée « Qu’est-ce qui bout dans la marmite digitale de l’Unil ? » – professeurs, doctorants ou étudiants – de montrer comment les nouvelles possibilités créées par le numérique sont exploitées dans leurs recherches et travaux. Si les participants avaient en commun d’investir le champ des digital humanities, les propos n’en étaient pas moins divers et variés !

C’est Claire CLIVAZ, professeure à la faculté de théologie et sciences des religions, qui introduit la séance devant une salle bien remplie. Après avoir souligné le changement incontestable que représente l’entrée dans le numérique pour le champ de la recherche en sciences humaines – tout en évoquant le double sentiment d’enthousiasme et de crainte qui peut être ressenti face à ce bouleversement – elle annonce le but de la soirée : offrir une vitrine de ce qui se passe déjà à l’Université de Lausanne en lien avec ce nouveau domaine de recherche.

La première intervention est le fait d’un duo formé par Philippe KAENEL et François VALLOTTON, respectivement professeur d’histoire de l’art et professeur d’histoire, tous deux également rattachés au Centre des sciences historiques et de la culture (SHC). Philippe Kaenel présente un grand projet consacré au photographe suisse Hans Steiner. Un séminaire sur le personnage, la découverte de l’immense corpus que constitue son œuvre, la numérisation des images, leur mise en ligne : telles en sont les étapes. Et au final, un site web, une base de données qui offre un accès à ce corpus et une exposition au musée de l’Elysée à Lausanne. C’est l’exposition qui connaît le plus grand succès dans l’histoire du musée : le support numérique semble stimuler les visiteurs.

La conférence de François VALLOTTON a pour objet un séminaire pluridisciplinaire consacré aux revues d’architecture et d’ingénierie publiées en Suisse aux XIXe et XXe siècles. Se proposant d’appréhender ces revues en tant qu’objet historique à part entière – adoptant ce faisant une perspective novatrice – ce séminaire fait recours à l’outil numérique de deux manières. Tout d’abord, la plupart des corpus analysés ont été numérisés dans le cadre du projet retro.seals (dont la visée est de rétronumériser et mettre en ligne des revues scientifiques éditées en Suisse). Deuxièmement, il s’agit d’expérimenter sur ce nouvel objet une base de données en ligne qui offre un accès à un « Dictionnaire des revues », proposant notices monographiques et description de chaque titre. François Vallotton souligne au terme de son propos les limites de l’outil numérique pour le développement d’une démarche historique, limites qui résident essentiellement dans le fait qu’un livre ou une revue ne se réduit pas uniquement à un texte : format, mise en page, choix du papier, illustrations et intégration de l’article dans un numéro sont des éléments qui nécessitent parfois d’avoir recours au volume d’origine pour être appréhendés.

C’est ensuite au tour de Patrick BAPST et Marie MINGER, deux étudiants de latin au niveau master, de prendre la parole pour expliquer comment ils ont entrepris de présenter à des étudiants moins avancés le fonctionnement de la base de données LLT (Library of Latin Texts). Présent dans la formation initiale à la recherche en bibliothèque, cet outil est cependant introduit trop tôt dans les études selon eux et répond à un besoin qui apparaît plus tard. Après avoir eux-mêmes appris à manipuler la base de données et avoir synthétisé son mode d’emploi, quelques étudiants latinistes avancés utilisent ainsi leur propre expérience pour former de manière pratique d’autres étudiants.

Le professeur de grec ancien David BOUVIER partage après cela son expérience des nouvelles technologies en expliquant comment, à partir de l’idée selon laquelle l’Iliade et l’Odyssée peuvent constituer un témoignage des performances des aèdes (ces poètes épiques de la Grèce antique), il utilise des techniques informatiques pour interroger les processus de mémorisation de ces derniers. Certaines régularités peuvent ainsi être mises au jour dans les vers, des régularités qui facilitent la mémorisation. La question est alors de savoir jusqu’où vont ces répétitions et régularités: leur présence ne signifie-t-elle pas une forme de monotonie inhérente au texte? Grâce à un logiciel traitant de groupes de mots de différentes tailles et permettant d’apprendre combien de fois ils se répètent au cours du texte, certaines données sont établies, qui tendent à montrer qu’un grand nombre de formules réapparaît à plusieurs reprises. Cependant, selon David Bouvier – et c’est encore l’outil informatique qui permet de faire cette observation – la répétition n’est pas monotone chez Homère car la distribution des répétitions n’est pas uniforme tout au long du texte.

Puis c’est la chercheuse Daniela VAJ qui intervient pour présenter la base de données Viatimages, qui, dans le cadre du projet nommé Viaticalpes, inventorie le grand corpus des illustrations de la littérature de voyage (1800 images et 1000 extraits de texte). Les différentes étapes de la création d’un tel outil sont évoquées, du premier inventaire à l’introduction d’un système de géolocalisation des images en passant par un long travail d’analyse et de synthèse. Le projet Viaticalpes a également donné lieu à d’autres créations, par exemple des réalisations multimédia par des étudiants.

Après une pause apéritive bienvenue pour « digérer » quelque peu les contenus très riches des conférences et poser quelques questions ou discuter avec les intervenants, c’est au tour de Sandrine BAUME, maître-assistante à l’Institut d’études politiques et internationales, de parler. Au cœur de son propos se trouve la notion de « transparence ». Selon elle, la question de l’utopie de la transparence se trouve renouvelée par l’apparition des nouvelles technologies (notamment les technologies de l’information). Les adeptes comme les détracteurs de celles-ci s’inscrivent dans la continuité d’une réflexion sur les bienfaits et les nuisances de la transparence. Convoquant dans sa réflexion divers théoriciens et penseurs, Sandrine Baume montre comment, entre vision idéale et source d’inquiétude, la notion prend dans les sociétés contemporaines des sens différents selon qu’on s’y réfère dans le contexte de la vie publique (exigence de l’Etat de droit) ou dans celui de la vie privée (violation de l’intime). Il en va de même pour son opposé, l’opacité (signe de l’arbitraire de l’Etat vs respect des droits individuels).

Le concept de transparence est également traité par Olivier GLASSEY, de l’Institut des sciences sociales et de l’Observatoire science, politique et société, à travers l’exemple précis du réseau social Facebook, vu comme un lieu de construction d’une identité pour l’individu. Plusieurs thèses intéressantes sont exposées : par exemple le fait que le web tend à amoindrir la frontière entre virtuel et réel, que la transparence dans les échanges sociaux résulte non pas d’un gouvernement intrusif mais de nos propres usages du système – par lesquels nous tendons à matérialiser nos échanges sociaux en copiant, stockant, etc. – ou encore qu’il convient de nuancer l’idée de plus en plus courante selon laquelle les nouvelles technologies annoncent la mort de la sphère privée. L’importance de réellement tenir compte de la dimension technologique dans la réflexion sur l’élaboration de l’identité au sein d’un réseau social a été un autre point abordé par le sociologue.

La séance se termine avec la contribution d’un trio venu de la section d’informatique et méthodes mathématiques de la faculté des Lettres: François BAVAUD (professeur), Aris XANTHOS (maître-assistant) et Christelle COCCO (assistante diplômée). Ils abordent différents points qui tous ont trait à des activités à l’interface entre des modèles mathématiques (probabilistes) et des données textuelles. Ce faisant, sont illustrées les recherches actuelles de la section, entre points de vue théoriques (entropie, chaînes de Markov) et appliqués (génération de texte, catégorisation stylistique).

Les prochaines soirées « Humanités digitales@unil » auront lieu les 4 et 19 avril prochain. Toutes les informations se trouvent sur la page Rencontres Humanités Digitales@Unil

Ecouter les interviews avec Claire Clivaz et Olivier Glassey.

Evènement: 
Humanités Digitales@Unil - Qu'est-ce qui bout dans la marmite digitale de l'Unil
Organisé par: 
Humanités Digitales@Unil
Date de l'événement: 
17.03.2011
Lieu: 
Anthropole, Université de Lausanne
Langue: 
f
Report type: 
Conference